Il y a encore quelques années, quand on faisait le tour des icônes qui font le charme de la France, on avait la baguette, le béret, le vin et les fromages, la tour Eiffel et … la 2CV.
Simple, populaire, facile, pratique, celle qu’on appelle affectueusement la Deuche, la Deudeuche ou la Deux pattes … est finalement devenue marginale sur nos routes.
La 2CV est à l’automobile ce que la Tongue est à la chaussure : dotée du minimum, elle fait le maximum.
La 2CV : un vilain petit canard à sa naissance ?
Le projet de la TPE ou « Toute Petite Voiture » avait été lancé chez Citroën avant la seconde guerre mondiale. La première idée était de créer un véhicule en traction avant avec 4 places, légère, pouvant emporter 2 adultes, 50 kg de charge utile, économique, d’entretien facile et pouvant traverser un champ labouré avec un panier d’œufs sur la banquette arrière sans en casser un seul ! Cette « 2cv », sous-entendu « fiscaux » se devait d’être une
petite voiture minimaliste, populaire et bon marché
, à destination des classes sociales à faibles revenus. La voiture du peuple à la française en quelque sorte.
Un cahier des charges sur lequel Pierre-Jules BOULANGER, devenu directeur de Citroën en 1935, avait bien avancé, entouré d’André Lefebvre (le papa de la Traction avant) et de Flaminio Bertoni (Design), jusqu’à ce que la seconde guerre mondiale ne le stoppe net. Quelques 250 TPE aux allures minimalistes (tôles ondulées et mono phare) virent le jour puis furent détruites ou démontées pour ne pas tomber aux mains de l’ennemi. L’après-guerre ne facilitera pas la tâche à Citroën, les métaux se font rares et chers et la Régie Renault est servie avant tout le monde. Malgré tout, c’est au salon d’octobre 1948 qu’apparaît ce qui sera la 2CV. La voiture la moins chère du marché répond enfin au fameux cahier des charges : «
quatre roues sous un parapluie
».
Les journalistes et la concurrence se moquent de la 2CV et la critiquent en tout points.
La montagne Citroën semble avoir accouché d’un vilain petit canard gris.
La 2CV s’avère être un cygne des temps modernes :
Le public, auquel elle se destine, lui fait un bien meilleur accueil et s’enthousiasme devant un rêve qui va pouvoir devenir réalité. Un signe qui ne trompe pas : on fait jusqu’à 2 heures de queue pour la voir. Avec des solutions techniques différentes (suspension à barres, moteur avant refroidi par air, traction avant) elle s’avère bien
moins chères et plus moderne que la 4CV
présentée 2 ans plus tôt. A chaque voiture son public ;
la 2 chevaux s’adresse aux plus modestes
, aux agriculteurs et aux ouvriers.
La 2CV a été le plus gros succès de Citroën
avec 5 114 961 exemplaires produits entre 1949 et 1990.
En proportion, il s’est vendu 3/4 de 2CV berline pour 1/4 de 2CV fourgonnettes. Si on rajoute les
dérivés de la 2CV
que sont les
Méhari, Dyane, Ami 6 et 8
, on arrive à un total de l’ordre de 7 millions d’unités.
La 2CV : pourquoi tant de succès ?
Tel un escargot, dont elle reprend un peu la forme et la vitesse, elle reste scotchée à la route malgré ses
mouvements de caisse
impressionnants. Elle adore les ronds-points, la campagne et le soleil ; en quelque sorte, elle vous offre le gîte et le couvert (en cas de pluie dans les virages). C’est
LA voiture idéale pour se balader
.
Quand vous roulez en 2CV, il faut savoir anticiper les cotes, les dépassements et les freinages ; avec elle, on apprend à piloter et c’est tout un art de vivre ! C’est une auto assez vivace malgré une puissance allant de 12 à 33cv autour de 500 kg.
Facile d’entretien, fiable, économique et un peu sonore, sa suspension élastique est une fête foraine pour les enfants.
Dès son lancement, son grand toit souple amovible en fait
le « cabriolet » le moins cher du marché
; très facile à enrouler, la capote de la 2CV se manipule avec aisance et lui procure un charme fou.
Les artisans et petits commerçants vont quant à eux craquer pour la 2CV Fourgonnette apparue en 1951 ; elle permet de tout transporter et ses flancs arborent leurs publicités peintes à la main.
EDF, la Poste et les pompiers seront de formidables publicités roulantes pour Citroën, sans oublier Monsieur le curé !
Quelques anecdotes autour de la 2CV :
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Pourquoi la 2CV a-t-elle était conçue avec une capote en toile
? Un toit en tôle aurait coûté plus cher et pesé plus lourd. L’économie ainsi réalisée a permis de la rendre encore plus désirable en découvrable et de profiter du soleil !
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La 2CV en 4 portes :
Berline ou Limousine
? Les 2 mon capitaine !
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Au sens carrossier du terme, les 2CV à 4 portes qui ont 4 vitres latérales sont des berlines et celles qui ont en plus des custodes ou croissants arrière sont des limousines.
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A sa conception, la 2CV était
refroidie par eau
: la TPV (Toute Petite Voiture) a été développée sur la base d’un moteur à eau jusqu’en 1944.
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La 2CV a existé en version catalysée. Elle est ainsi sortie à la fin des années 80 sur le marché allemand et roulait au sans plomb.
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Au début de sa commercialisation, la demande a été si importante que la 2CV commandée pouvait mettre jusqu’à 5 ans pour être livrée. Elle s’est vite retrouvée à vendre plus chère en occasion que neuve !
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La plus chère des 2CV ? Une 2CV SAHARA 4x4 (2 moteurs) de 1961 a été vendue aux enchères par Artcurial pour près de
173 000 Euros.
L’évolution des réglementations sur la sécurité comme sur la pollution, les attentes des consommateurs, signeront finalement le chant du cygne pour la 2CV dans les années 80. La petite française à l’énorme succès ne répond plus aux normes.
Les dernières Deudeuches produites sortiront des usines portugaises en 1990, deux ans après l’arrêt de la production en France.
Heureusement, les passionnés et les très nombreux
clubs de 2CV
qui sont très actifs en Europe vont reprendre le flambeau de celle qui restera à jamais un symbole de l’art de vivre à la française.